A Beautiful Day

A beautiful day

A beautiful day (titre original : You Were Never Really Here) est un thriller franco-britannique écrit et réalisé par Lynne Ramsay, sorti en 2017. Il a été présenté en compétition officielle lors du festival de Cannes 2017, où il reçoit le prix du meilleur scénario et pour lequel Joaquin Phoenix remporte le prix d’interprétation masculine.

Dans son film sorti en 2017, Lynn Ramsay nous raconte l’histoire de Joe, incarné par Joaquin Phoenix, tueur à gages qui se retrouve pris dans une spirale de violence suite à une mission qui consiste à ramener saine et sauve Nina (jouée par Ekaterina Samsonov) la jeune fille d’un sénateur kidnappée par un réseau pédophile.

L’histoire est sinistre, extrêmement glauque, et la violence, tant graphique que morale, confère au film une tonalité noire dans l’ensemble. Toutefois, au milieu de ce déchaînement de violence, la réalisatrice tisse, dans la lignée de ses précédents films, tels que We Need To Talk About Kevyn, un film à la fois onirique, métaphorique, et politique, questionnant, de façon subtile et poétique, une société brutale et réactionnaire où la violence, politique, économique, sociale, sexuelle et militaire détruit les êtres humains.

Joe a une allure de boxeur. Il vit avec sa mère, mène une vie qui semble paisible presque rangée. A ceci près que Joe est tueur à gages, et qu’au cours d’une de ses missions, il est contacté par le sénateur Di Votto : sa fille, Nina a été kidnappée par un réseau pédophile et Joe doit la ramener saine au sauve. Joe est (re)connu pour sa grande brutalité. Et effectivement, Joe, armé d’un marteau, fait preuve d’une immense brutalité. Suite à cette mission, après avoir une première fois récupéré Nina, l’extrayant d’une maison close pédophile, le duo se retrouve pris dans une spirale de violence, parsemée toutefois de moments de poésie intense tout autant que de flash-backs qui nous en apprennent plus sur la nature énigmatique et traumatisée de Joe.

En effet, à travers une série de flash-backs qui parsèment le film, le passé traumatique de Joe refait surface, met en lumière, à travers la psyché brisée de Joe, la brutalité structurelle de la société capitaliste qui démolit les individus. Car Joe est un vétéran de guerre, probablement l’Irak ou l’Afghanistan, une guerre menée par la principale puissance impérialiste mondiale que sont les Etats-Unis.

A de nombreuses reprises dans le film, des symptômes typiques de « névrose traumatique », que subissent la plupart des soldats revenus de la guerre, font surface : hallucinations, flash-backs, le tout porté par une bande-son enivrante et stridente à la fois de Johnny Greenwood. A cette brutalité militaire, s’ajoute aussi un autre traumatisme dont Joe semble avoir souffert : les violences répétées de son père sur sa mère.

Lorsque Joe va délivrer Nina, jeune fille fluette d’à peine plus d’une dizaine d’années, celle-ci est tenue prisonnière dans un appartement fort luxueux d’une banlieue américaine cossue. Et les hommes que Joe assassine dans cette maison close pédophile, tous à coups de marteaux – non sans avoir demandé au préalable à Nina de fermer les yeux, de manière touchante et candide – , sont probablement tous homme d’affaires ou politiciens, propriétaires du pouvoir politique ou économique, parfois les deux.

Tous deux, Joe et Nina, jeune duo attachant, version plus dramatique et poignante que celui de Léon et la jeune fille dans le film de Besson, sont de grands traumatisés, et chacun ont développé, à leur manière, une façon de survivre face à la violence qui les a frappés et les poursuit comme une malédiction, à la manière d’un passé qui ne passe, définition même du traumatisme.

Ainsi, on comprend que Joe, dans son activité de tueur à gages, trouve autant une rédemption qu’une forme perverse de soulagement à son traumatisme, répétant, en la sublimant, la violence qu’il a infligé et a subi au cours de la guerre et de son enfance, mettant ses pulsions guerrières et meurtrières au service d’une aspiration à une certaine forme de justice, dessinant en creux un idéal absent ; tandis que Nina, dont on comprend qu’elle a été violée à de multiples reprises, a développé la capacité de « plonger en apnée » à l’intérieur d’elle-même, se désensibilisant et se coupant d’elle-même : ne rien ressentir plutôt que souffrir la violence sexuelle, morale et physique, à leur façon, chacun des deux personnages s’amputent de leur humanité pour survivre, tant bien que mal.

A beautiful day dresse surtout le portrait d’une Amérique malade, et sévèrement. Exercice de style scénarisé au cordeau, A beautiful day marque les spectateurs par l’austérité de son intrigue et la profondeur de ses enjeux. Joe est le héros d’une Amérique du XXIe siècle malade où le seul moyen de survivre semble être la marginalisation. A beautiful day est un thriller brutal, âpre et nerveux. La réalisation et le montage, très maîtrisés, impressionnent, et Joaquin Phoenix, bloc de rage qui se fissure sous les yeux des spectateurs, livre une prestation étonnante.