L’Inspecteur Canardo

L’inspecteur Canardo

Canardo est avant tout un canard. C’est aussi un détective privé, dépressif et désabusé, du genre qu’on peut retrouver dans les polars américains un peu glauques. Il évolue dans un univers blafard, peuplé de personnages miséreux (le plus souvent incarnés par des animaux) et navigue de bars sinistres en conquêtes incertaines.

L’inspecteur Canardo est alcoolique et fumeur invétéré. Il ne quitte jamais son vieil imperméable et aime se déplacer en Cadillac. Sa morale laisse souvent à désirer. Comme le dit Clara, il est « hors de prix ». Et « plus on le paye, plus il est malhonnête ».

L’inspecteur Canardo est un personnage imaginé par Benoît Sokal. Publiée initialement sous formes d’histoires courtes par le magazine de BD (À suivre), la série intégrera vite des récits complets dans des albums aux éditions Casterman.

Canardo est également conscient d’être un personnage et d’être dans une bande dessinée. Cet état, la « perception de la bande dessinée », est cité à plusieurs reprises, par exemple dans l’Héritage de Canardo (1979, dans lequel Canardo hérite de son père également appelé Canardo). Ainsi, lors de la lecture du testament de son père par le notaire : « Je ne l’ai pas choisi pour ses qualités de médiocre sous-chef magasinier mais bien, parce que, me ressemblant comme deux gouttes d’eau, il sera passablement facile à dessiner » ; ou bien, case 19 : « Quoi! … Mais tu m’as dit 100 (billets), il y a quelques cases !!! ».

L’Inspecteur Canardo
Feuilleter Canardo

Canardo ne quitte jamais son vieil imperméable trench-coat ni son flingue, probablement un calibre 38 cher aux détectives privés. Il ne porte ni pantalon ni chaussures, avec ses pieds palmés, juste une chemise blanche et une cravate sous son trench. Il porte aussi un maillot de corps, qui lui sert de pyjama et qu’il ne retire pas même pour faire l’amour à ses conquêtes d’un jour. Sa voiture est une pièce de collection pas très discrète, une Cadillac Eldorado Biarritz 1956 blanche décapotable. Canardo ne déteste pas le whisky, mais sa boisson préférée est la bière de la marque fictive Kluutch. En temps ordinaire il n’apprécie pas trop les cocktails, mais se prend de passion pour le Sibérik, le cocktail maison d’une boîte de nuit appartenant à un mafieux russe, dans le tome 20 Une bavure bien baveuse, au point d’essayer chez lui de reproduire les proportions.

Ses enquêtes naissent d’une situation soudaine ou lui sont commandées par divers clients. Il les mène toujours avec sérieux et, s’il dénoue forcément le sac de nœuds auquel il est confronté, la misère morale afférente à l’univers dans lequel il est plongé n’est pas sans le détruire moralement un peu plus.

Les enquêtes de l’inspecteur Canardo sont bâties sur un paradoxe : l’univers magique et enfantin des personnages-animaux, qui n’est pas sans rappeler celui des cartoons, est corrompu par l’atmosphère très noire du récit, les personnages à la moralité très douteuse, et le tempérament dépressif, « blasé », du héros. Certaines enquêtes se teintent de science-fiction, celle-ci étant toujours au service de l’investigation.

De plus, il faut noter que tous les animaux ne sont pas anthropomorphes. Ainsi, par exemple, l’inspecteur Garenni est un lapin anthropomorphe et dans Le chien debout, on voit un lapin normal.

Dans les premiers albums, des personnages humains ont pu apparaître furtivement, à l’exception du personnage d’Émily dans Noces de brumes.