Martyrs

Martyrs

Martyrs est un film d’horreur franco-canadien réalisé par Pascal Laugier, le second long-métrage d’un cinéaste de grand talent, fut l’événement tant controversé du Festival de Cannes 2008.

Milieu des années 70, quelque part en France, une petite fille, Lucie, est retrouvée dans un état physique catastrophique. Elle avait disparu quatorze mois plus tôt. L’endroit de sa séquestration s’avère être une chambre froide d’un abattoir désaffecté. Aucune trace d’abus sexuel. Les raisons de son enlèvement restent mystérieuses. Quinze ans plus tard, Lucie n’a qu’une idée en tête : retrouver ses bourreaux et comprendre les raisons de son calvaire.

Aidée par Anna, une amie inséparable rencontrée à l’hôpital pour enfants où elles étaient placées depuis, Lucie, qui n’a plus toute sa tête, croit avoir retrouvé ses ravisseurs et décide de se venger. Lucie pénètre dans une maison isolée et tue tous ses habitants. Elle appelle ensuite Anna à l’aide. La jeune femme arrive sur les lieux et constate que la mère de famille est toujours vivante. Lucie lui explique que les personnes qu’elle vient de tuer sont ses anciens tortionnaires. Elle est alors victime de violentes hallucinations…

Avec Martyrs, son second long métrage, Pascal Laugier a manifestement voulu réaliser une œuvre radicale, sans concession, qui s’inscrit aux antipodes du précédent, évoquant les films sauvages des années 70, capables de bousculer la conscience du spectateur et de provoquer des sensations viscérales par la simple force des images. D’une rare violence, furieusement radical dans sa représentation de la souffrance, Martyrs est également une expérience de cinéma unique, un film qui, au-delà de sa décharge cathartique, invite le spectateur à la réflexion comme nul autre film du genre. Voilà en tout cas un film d’horreur qui se démarque totalement des autres.

Lorsque Martyrs est sorti en 2008, le film venait d’échapper de peu à une interdiction aux moins de 18 ans. Classification qui pour un film d’horreur équivaut à une véritable sanction, puisqu’elle limite considérablement sa diffusion. Finalement, après une pétition d’un certain nombre de professionnels qui obtint l’intervention de la Ministre de la Culture de l’Epoque Christine Albanel auprès de la Commission de classification des films,Martyrs a finalement écopé d’une interdiction aux moins de 16 ans avec avertissement. Quoiqu’on pense de ce film, il me semble important de faire en sorte que la liberté d’exprimer ce que l’on veut dans les films soit toujours défendue.

Pascal Laugier est allé si loin dans son propos, que l’on se prend à être émerveillé par la mise à nue et à sang du corps humain. Au final, cette expérience incroyablement puissante, et à la fois bouleversante et dérangeante, n’est pas à mettre entre toutes les mains. Trop extrême, trop glauque, trop fort, il est clair que Martyrs ne plaira pas à tout le monde, les spectateurs les moins endurcis seront si heurtés qu’ils préféreront s’échapper. Car, contrairement aux deux filles du film, ils disposent eux d’une potentielle échappatoire.

Durant un cours instant, on oublie totalement que Martyrs est un film d’horreur extrême. Il touche du doigt les questions existentielles que peuvent se poser les humains. Le film surpasse alors son statut de simple œuvre de cinéma pour endosser les habits d’œuvre réflexive sur la vie, la mort, la souffrance et tout ce qui se trouve entre les deux.

Tout ce qu’évite Pascal Laugier, qui préfère de loin emmener le spectateur dans un univers psychologiquement rigide et réfléchi pour le choquer, plutôt que de l’amuser. Et si certains, dégoûtés, préfèrent en rire plutôt que de le craindre, le constat est là : on est mort de peur. D’autant plus que la mise en scène est merveilleuse, que les acteurs sont bien dirigés (Mylène Jampanoï et Morjana Alaoui effectuent des performances réellement émouvantes) et qu’il existe une osmose parfaite entre sons et images qui rend l’environnement toujours surprenant, traumatisant.

Martyrs est tout simplement une œuvre de génie qui pousse le spectateur dans ses derniers retranchements. Après la vision d’un tel chef-d’œuvre tortionnaire, il est aisé de comprendre pourquoi le métrage ne laisse personne indifférent. 

Laugier signe ici ce que le cinéma français a de meilleur : un film qui a des couilles et qui nous les offre sur un plateau !